Résumé
Larve longtemps, subimago quelques heures et imago pour la reproduction, non doté pour son alimentation, l’éphémère, être fugace, évoque la survivance des lucioles exprimée par Pier Paolo Pasolini. Citant Philippe Jaccottet, Yuki Kawamura juxtapose temps et mouvement sans craindre l’instant immobile.
L'avis de Tënk
Éphémères est né d’une rencontre impromptue entre le cinéaste et une éclosion de larves d’éphémères, qu’il décide aussitôt d’enregistrer. Le film qui en résulte réunit à lui seul presque tous les éléments qui fondent une poétique du cinéma comme art : de l’ombre et de la lumière, de l’obscurité à l’extase lumineuse ; de la distance, qui varie pour approcher le phénomène, du plus loin au plus près ; du rythme et du mouvement, de l’inertie de la larve à la danse turbulente des insectes en vol ; du nombre, qui permet de passer de manière exponentielle de l’individu à la masse, tout en laissant entrevoir la possible disparition d’une espèce ; du point de vue, comme témoignage d’un instant qui a existé ; de la contingence, quand le vivant s’immisce dans la production du film ; de l’espace et du temps, réels puis transformés en espace et temps filmiques ; du sonore, capable de restituer le chant du monde, ici à travers le vacarme assourdissant d’une vie vécue de manière brève et intense ; de l’abstraction, révélant la plasticité des phénomènes, et déjouant la seule fonction documentaire de tout film.
Vincent Deville
Maître de conférences en cinéma à l’université Paul-Valéry Montpellier 3