Résumé
Des tripes, un troupeau de brebis, une source. Des pigeons qui roucoulent et des chansons bouche fermée. Quelques vautours, des os, des fleurs et beaucoup de mains. Des mains qui nourrissent, traient, caressent, tondent, filment, des mains qui tuent. Des mains qui habitent les doutes et les contradictions de la manipulation des autres espèces.
L'avis de Tënk
Maddi Barber Gutiérrez commence son film selon une approche ethnographique qui documente les gestes d’éleveurs de brebis. Si elle filme les mains des humains dans leurs tâches et leurs gestes, on s’aperçoit rapidement qu’elle laisse les visages et les corps hors-champ, pour se focaliser sur le ressenti des animaux eux-mêmes. C’est une manière de nous décentrer de nos perceptions anthropocentrées pour sentir que le monde est vécu autrement par d’autres que nous-mêmes. La cinéaste choisit aussi de ne pas enregistrer les voix humaines, mais tous les autres sons qui nous donnent à entendre un « chant du monde », comme si nous devions réapprendre à l’écouter. Le film est structuré par les cycles : des relations ancestrales de l’humain et de l’animal ; de la vie et de la mort, quand la dépouille d’une brebis fait le festin des vautours ; des musiques et chants rituels venus de la nuit des temps. « Gorria » signifie rouge en basque, qui est aussi bien la couleur du sang que celle des fleurs.
Vincent Deville
Maître de conférences en cinéma à l’université Paul-Valéry Montpellier 3