À l’image, le chemin suivi par les très réputées crevettes grises de la mer du Nord, tirées des fonds marins par les pêcheurs des chaluts à panneaux démersaux, traitées à leur arrivée dans le port industriel de Zeebruge par les ouvriers des usines de transformation, vendues par les employé·es des poissonneries locales aux bourgeois·es en vacances sur la côte belge. Ne serait-ce que pour cela, le film de fin d’étude de Rémi Murez pour son école de cinéma bruxelloise, l’HELB, est déjà saisissant, tant il sait capter la beauté de la nature et du geste de l’homme au travail. Mais le propos du cinéaste est ailleurs, pointant surtout, à travers les entretiens menés avec les différent·es intervenant·es de la filière crevette, le silence entourant l’empoisonnement des eaux belges par les métaux lourds des bombes de la Première guerre mondiale encore présentes en mer. Un documentaire qui lutte avec efficacité contre ce qu’une de ses protagonistes nomme "la vacuité de l’existence".

Pauline David
Programmatrice, directrice du festival En ville ! (Bruxelles)