Treize gaillards montent sur des estrades, visseuses en main, et bricolent. C'est un peu le bazar, ça va dans tous les sens mais on sent que tout cela se dirige quelque part – vers un projet. Celui de remplir le cadre carré de l'image et de simuler avec des tasseaux, des tissus et quelques coups rapides de peinture une Cène fameuse de la peinture italienne du 13e siècle. L'image est fixe, le plan est long mais on s'amuse en permanence de ce jeu avec le sacré – non seulement celui de la scène représentée, mais aussi de l'art lui-même. On suit avec attention l'application des ouvriers, l'énergie déployée par les corps, l'apparition progressive de la cohérence de l'image à coups de pistolets à clous (oui, planter des clous à Pâques). Et quand finalement tout se fige, les barbes des gaillards se transforment en barbes de disciples.
Ce travail d'Andy Guérif se déploiera plus tard de manière spectaculaire dans son film "Maesta - La Passion du Christ" (2015).

Jérémie Jorrand
Responsable de l'éditorial et de la programmation de Tënk