Karim Aïnouz est de père algérien et de mère brésilienne. Il n'a pas connu son père, qui s'engagea dans la révolution en Algérie. Ce pays lui est inconnu comme lui-même est inconnu de sa famille paternelle en Kabylie. Les liens du sang ne suffisent pas pour l'accueil. Il faut l'adoption. Il met donc de côté comme Ulysse ses habits de cinéaste : il laisse intervenir les gens qu’il filme en plan fixe, à la recherche d’une relation ouvrant à l’échange. Il tend tellement vers cette Algérie que c’est elle qui l’aspire plutôt que lui qui l’appréhende. Portes et fenêtres ouvrent des espaces, des ports où le marin peut ancrer son regard. Les gens nous deviennent si familiers que nous partageons leur énergie et leurs rires. Plus encore, sa voix littéraire et poétique, sorte de lettre à sa mère, se marie à merveille avec la créativité des images et des sons, l’utilisation de filtres et d’effets pour une fable hallucinée, celle d’un marin en quête de lui-même pour qui l'origine ne peut être qu'un passage. Quel beau voyage que cet essai aussi inventif qu'émouvant au-delà des mers !

Olivier Barlet
Critique de cinéma et rédacteur pour Africultures