Résumé
Donna Haraway, philosophe, primatologue et féministe, a bousculé les sciences sociales et la philosophie contemporaine en tissant des liens aventureux entre théorie et fiction. Elle s’est fait connaître à partir des années 1980 par un travail sur l’identité qui, rompant avec les tendances dominantes, œuvrait à subvertir l’hégémonie de la vision masculine sur la nature et la science. L’auteure du “Manifeste Cyborg” est aussi une incroyable conteuse qui dépeint dans ses livres des univers fabuleux peuplés d’espèces transfuturistes. Le réalisateur Fabrizio Terranova a rencontré Donna Haraway chez elle en Californie. À partir de discussions complices sur ses recherches et sa pensée foisonnante, il a construit un portrait cinématographique singulier, mêlant récits, images d’archives et fabulation dans la forêt californienne.
L'avis de Tënk
Tout est dans le titre : "Histoire(s) pour la survie terrestre" ! Rien de moins. Il faut à l’espèce humaine des récits nouveaux qui non seulement s’opposent aux discours déclinistes mais élargissent le spectre des expériences possibles ! Compagnons domestiques, microbiote, plantes, aliens, tous les existants peuvent et doivent être associés à ces nouvelles configurations de vies à inventer. C’est un véritable appel à l’insurrection que défend Haraway (alors qu’une méduse glisse dans son dos) : "il reste un tout petit peu de temps, pas beaucoup, pour nous révolter. Il faut se mobiliser pour certains mondes, et contre d’autres."
Le film épouse cette radicalité en nous plongeant dans un monde incertain, plein d’un mystère cosmique et de paradoxes visuels – dessinant un univers où les frontières entre réalité et (science-)fiction seraient plus poreuses et l’énergie de la pensée moins contrainte par les catégories imposées.
Electrisé par la drôlerie et la vivacité de sa protagoniste, le film est à la fois le contrepoint et l’antidote – subversif, généreux, dérangeant, en un mot vivant – de la pensée réactionnaire et débilitante qui colonise nos ondes.
Arnaud Lambert
Réalisateur