Résumé
Sept ans après le génocide, le Rwanda met en place des tribunaux populaires dans lesquels les Tutsi sont appelés à juger les Hutu. Justice de proximité ou expérience de réconciliation ? Peut-on pardonner à ce voisin, tueur hier, de nouveau voisin aujourd’hui ? Filmé sur près de dix ans, le film rend compte de ce difficile processus de réconciliation qui doit permettre de coexister.
L'avis de Tënk
Ce film est l'aboutissement de dix ans d'enquête et de mémoire. À la base, les 350 heures de rushes d'une trilogie : Gacaca, vivre encore ensemble au Rwanda ? (2003), premier regard sur les tribunaux populaires « gacaca » mis en place en 2001 pour juger les 130 000 génocidaires enfermés dans les prisons et mettre fin à l’impunité ; Au Rwanda on dit : la famille qui ne parle pas meurt (2005) sur le brusque retour dans leurs villages de 16 000 prisonnier hutus en 2003 ; et Les Cahiers de la mémoire (2009), chronique d'un gacaca. Il n’est pas question pour Anne Aghion, contrairement à certains documentaires produits sur le sujet, de mettre en cause le bien fondé de la démarche rwandaise ni d’évoquer les éventuelles ambigüités de tribunaux où l’on se juge entre voisins. De même, elle ne cherche pas à théâtraliser ou dramatiser. Elle ne cultive pas les gros plans indiscrets, elle ne se met pas en chasse du sentiment : sa caméra est à cette juste distance qui met en exergue la dignité de tous. Le sujet est la parole, condition vitale du pardon et de la réconciliation. En affrontant sans détours cette complexité, ce film ouvre une réflexion essentielle sur les conditions du vivre ensemble qui dépasse largement les frontières des collines du Rwanda.
Olivier Barlet
Critique de cinéma et rédacteur pour Africultures