Résumé
En l’abbaye d’Ardenne, dans la somptueuse salle de lecture de l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine, Isabelle Ullern ouvre une à une les boîtes contenant les archives de Sarah Kofman. Avec elle, nous plongeons dans l’œuvre et dans l’intimité de cette philosophe française qui, terrassée par la dépression après avoir publié le récit de son passé d’enfant juive traquée sous l’Occupation, mit fin à ses jours en octobre 1994. Au fil de l’ouverture des boîtes, l’archiviste ventriloque les voix de la philosophe absente : en ranimant le souvenir d’archives, Isabelle Ullern va devenir, le temps du film, le vaisseau de Sarah.
L'avis de Tënk
Ce film d’arpentage de la mémoire constitue lui-même une expérience de cheminement à l’intérieur des mots. Ceux de la philosophe Sarah Kofman et de ses archives, qu’une autre philosophe, Isabelle Ullern, nous propose de déchiffrer avec elle, à mesure qu’elle les découvre. Le regard que Christophe Bisson porte sur cette expérience de pensée, très matérielle, est celui du patient exégète amoureux des effets gigognes. À notre tour, qu’on soit familier ou non de ses textes, nous éprouvons une réelle émotion, une "rêverie profonde" à déchiffrer les manuscrits de Kofman, ses notes d’agenda, des documents administratifs, sa graphie tortueuse, angoissée. Le montage de Claire Atherton permet au film de trouver une direction dans ce tourbillon de signes, qui ouvre des mondes et un chemin de pensée passionnants. Comme le dit Isabelle Ullern : "les archives nous travaillent" autant que nous les travaillons. C’est dans cet espace sensible que se situe ce film épuré et rêveur.
Benoît Hické
Programmateur et enseignant
