Résumé
Tara moarta (The Dead Nation) présente une série de clichés prise par le photographe Costică Acsinte de la petite ville roumaine de Slobozia dans les années 1930-1940. Principalement composée d’extraits de la même époque tirés du journal du médecin juif roumain Emil Dorian, la bande son raconte ce que les photographies ne montrent pas : la montée de l’antisémitisme puis la terrible persécution roumaine des juifs, un sujet rarement abordé dans la Roumanie contemporaine.
L'avis de Tënk
Ce n'est qu'en 2004 que la Roumanie a reconnu officiellement, par la voix de son président d'alors Ion Iliescu, son rôle joué dans la Shoah. Cet "aveu" est lié autant à la publication d'un rapport détaillant l'implication de la Roumanie dans la Shoah qu'au désir du pays d'intégrer l'Union européenne. Toujours est-il que l'antisémitisme passé comme présent de la Roumanie sont encore trop souvent tus et atténués. Et alors que le nouveau cinéma roumain (Radu Jude faisant partie de cette "nouvelle vague") a plutôt tendance à s'intéresser aux années du régime communiste ; Radu Jude remonte plus avant dans l'histoire de son pays. Film méthodique, Tara moarta entremêle aux archives intimes extraites du journal d'Emil Dorian des photographies, messages de propagande et autres chansons patriotiques – dispositif suspendu un instant seulement pour évoquer l'extermination des juif·ves. Tout en rappelant que chaque image comporte son hors-champ, sa tâche aveugle, ces différents régimes d'archives désignent dans leur entrechoquement ce que les photos dissimulent : les crimes et oppressions nées de l'antisémitisme.
Caroline Châtelet
journaliste, critique dramatique