Résumé
Le réalisateur suit un groupe de touristes occidentaux au cours d’une croisière en Nouvelle-Guinée à la rencontre des Papous. En intercalant des séquences où les indigènes expriment leurs interrogations sur la curiosité des touristes, la perte de leurs traditions, leur déception de ne pas recevoir autant d’argent qu’ils le souhaiteraient, et des séquences où les touristes photographient, filment les Papous, marchandent l’artisanat ou sont installés confortablement sur leur bateau de croisière, Dennis O’Rourke interroge les comportements dits « civilisés ».
L'avis de Tënk
Filmé quelques années seulement après l'indépendance de la Papouasie Nouvelle-Guinée, ce circuit touristique explore tous les clichés du voyage : les visiteurs assument leur fascination pour des modes de vie exotiques – ce frisson d'aller au contact du « sauvage cannibale » tout en justifiant ce comportement de pillage de l'artisanat et de l'art par un soutien économique aux peuples visités. Ils illustrent à chaque instant ce paradoxe : vouloir voir des modes de vie traditionnels préservés, tout en les détruisant ; en affirmant, même, la certitude de leur bienfait en leur amenant argent et « civilisation ». Dennis O'Rourke met les touristes en confiance et les laisse s'épancher avec bonhomie et suffisance devant sa caméra ; leurs mots et leurs actes révèlent leur sentiment de supériorité et de mépris pour les peuples visités. En contrepoint le cinéaste australien fait basculer le film en donnant la parole aux Papous. Dignes et en colère, ils se révèlent forts lucides sur ce qui se joue dans ce marché de dupes. Dans une ironie grinçante La Croisière s'amuse se transforme sous nos yeux en entreprise néocoloniale.
Éva Tourrent
Responsable artistique de Tënk