Résumé
Ivan est professeur à la retraite. Il a connu la lutte armée dès l’âge de 13 ans. Il n’en parle jamais. « Seule sa mère disait qu’il était viril parce qu’il avait su tuer un officier allemand ». Fabrice, son fils, est musicien et poète improvisateur connu sous le nom de Fantazio. Un gouffre semble séparer les deux hommes, mais lorsqu’ils montent ensemble sur scène, tandis que l’un joue de la contrebasse, l’autre retrouve ses talents d’orateur et le plaisir qu’il a connu au lycée de parler en public. Une caméra s’invite entre eux, comme pour mieux résoudre des énigmes enfouies. « J’aimerais lui faire sortir de son crâne tout ce qu’il sait, enregistrer la fumée de tout ce qu’il pense, l’entendre rire très doucement, petit souffle, de choses très subtiles qu’il ne pourrait pas dire lui-même ». Mais Fantazio butte sur son projet : emmener Ivan à Bruxelles pour y visiter l’un de ses vieux compagnons de résistance. Le voyage échoue. Mais le film réussit, tel un dialogue avec l’éternité.
L'avis de Tënk
Un jour ou l'autre, les pères meurent. D'ici là, comment vivre l'instant présent, que faire pour dire son amour inconditionnel, réparer les manqués, sauver quelques moments et combler l'absence à venir ? C'est ce désir de partage que Fantazio met sur le métier, tandis que plane l'ombre de sa mère morte. Entre tension et tendresse père et fils cheminent ensemble de rencontres en visites ; de voyages en sessions d'enregistrement musicales. Artiste fantasque connu pour sa goguenardise, Fantazio se révèle éminemment touchant par sa délicatesse, sorte d'éternel enfant docile face à un père qui peut, parfois, avoir des allures de statue du Commandeur. Agrégeant des images d'archives (familiales ou non, fixes ou animées), soutenu par les compositions lumineuses du musicien, Je reviens dans cinq minutes dessine de façon émouvante une relation faite de retrouvailles et d'achoppements. Ce qui n'empêche pas Fantazio de s'obstiner, et sa seule (et bouleversante) requête sera, alors que l'isolement du confinement fait plonger le vieil homme, la sollicitation d'un regard.
Caroline Châtelet
journaliste, critique dramatique