Résumé
À Mayotte, la seule île restée française de l’archipel des Comores, un groupe de jeunes affectionne et élève des chiens. Entre débrouilles et petits larcins, Chef, Flamsy et Mopé s’émancipent d’une société musulmane où leurs compagnons sont considérés comme impurs. Ces relations entre l’homme et l’animal mettent en relief une société mahoraise tiraillée entre culture comorienne et culture d’État français, dans un territoire où insécurité et abus sociaux se conjuguent à la clandestinité. Du ghetto à la malavoune, le chien se révèle alors comme la métaphore d’une errance identitaire.
L'avis de Tënk
C'est dans les départements et territoires d'outre-mer que les anciennes relations coloniales sont encore les plus vives. À Mayotte, devenue département français malgré son appartenance à l’archipel des Comores, la forêt tropicale (malavoune) est investie par de jeunes marginaux qui y élèvent des chiens et en organisent les combats, une pratique interdite par « les Blancs ». Mal vus dans une société musulmane où ils sont considérés comme impurs, ces chiens sont leur principale résistance, en plus des vols de poules et de bananes. Souvent émigrés illégalement des Comores, ils sont pourchassés par la police. S'ils sont expulsés, ils reviennent en kwasa-kwasa, ces pirogues clandestines qui chavirent souvent. Les chiens sont bien sûr allégoriques d’une société socialement clivée, schizophrénique, traversée de violences et de relents colonialistes. C’est ce monde de l’ombre que saisit en proximité Jean-Marc Lacaze dans un film où les plans de nuit en forêt renforcent les accents mythiques.
Olivier Barlet
Critique de cinéma et rédacteur pour Africultures