Sauvée miraculeusement de la déchetterie, transitant par des galeries d'art et voyant son contenu compilé sous la forme d'un livre, une mallette – et sa bien étrange collection d'objets et de documents – est ici mise en scène. Avec une pédanterie obsessionnelle et dans un langage qui allie précision clinique et vulgarité glaçante, "Hans" (39 ans) y a documenté pendant vingt mois sa relation avec "Monika" (24 ans). Mais au-delà d'objet de désir, qui était donc cette Monika / Margret ? Décortiquant le contenu de la mallette au trésor, les réalisateurs s'attellent à la reconstitution de sa vie (familiale, professionnelle, amoureuse) tout en élargissant le corpus de leur matériau. Ils font appel à des films institutionnels et pédagogiques, magazines, journaux, enquêtes d'opinion, données statistiques d'époque, dessinant ainsi le cadre somme toute "moyen" d'une existence marquée par les acquis de son époque : augmentation du niveau de vie suite au "miracle économique", mobilité, épanouissement sexuel et accession à la contraception médicamenteuse. Une large partie du film se déroule dans des espaces urbains "modernes", marqués par le recours à des matériaux durs : béton, acier, asphalte. De cette chronique intime d’un adultère émerge un tableau de mœurs – complexe et subtil – d'une société, elle aussi "moderne", et de ses mécanismes bien rodés de contrôle des corps. La Monika de "Szenario", figure mi-statistique, mi-réelle, se fond-elle finalement dans le moule imposé ou a-t-elle tenté de s'en échapper ? La question reste entière.
 

Jürgen Ellinghaus
Programmateur, réalisateur