Résumé
Dans ce long et fascinant entretien, Nathalie Sarraute dialogue avec le metteur en scène Claude Régy à l’occasion de la sortie de son livre Tu ne t’aimes pas à l’automne 1989. Si elle reconnait combien elle s’est toujours sentie seule, incomprise, si lui échappe son angoisse de la mort ou l’aveu qu’elle ne s’est jamais sentie mère, l’essentiel concerne le travail acharné de l’écriture, pour faire advenir les mots.
L'avis de Tënk
Régy : “les mots servent à libérer une matière silencieuse.” Sarraute : “une matière bien plus vaste que les mots.” Ce film n’est pas une interview, peut-être même pas un entretien. Ce qu’il nous montre est quelque chose d’assez inhabituel, très éloigné des techniques audiovisuelles de captation de l’attention. Une conversation. Deux êtres qui cherchent un rythme et un ton, accordés, pour tenter d’évoquer avec pudeur la matière de leur travail – qui est la langue justement.
Tout commence par une phrase de Dostoïevski qui est aussi le programme de l’écrivaine : “On sait que des raisonnements entiers passent parfois dans nos têtes instantanément sous forme de sortes de sensations qui ne sont pas traduites en langage humain et d’autant moins en langage littéraire.” Le monde extérieur est celui des lieux communs, du faux, l’écriture est peut-être un recours. Ce film est un cadeau, le spectateur est invité dans un endroit secret, fait de délicatesse, de respect et d’infinie gratitude.
Arnaud Lambert
Réalisateur