Résumé
En 2011, une archive filmique et du matériel audio réémergent à Bissau. Au seuil d’une destruction complète, ces bandes témoignent de la naissance du cinéma guinéen en tant que part essentielle de la vision de la décolonisation d’Amílcar Cabral, leader de la libération assassiné en 1973. En collaboration avec les cinéastes guinéen Sana na N’hada et Flora Gomes, Filipa César imagine un périple où cette fragile matière du passé opère comme le prisme visionnaire d’un éclat d’obus à travers lequel nous regardons. Projetées dans les villages les plus isolés de Guinée-Bissau ou dans les capitales européennes, ces archives silencieuses provoquent débats, récits et prémonitions.
L'avis de Tënk
Avec Spell Reel le cinéma se transforme en mémoire nationale, en archive d'images de l'identité d'un pays. Et le cinéma devient aussi un acte de militantisme, de guérilla contre l'occupation passée et contre l'oubli présent. Filipa César commence son opération avec la restauration de ce qui a survécu du patrimoine filmique des années 1970 : le travail de cinéastes que Amílcar Cabral, le leader qui avait mené le pays à l'indépendance, avait envoyés à Cuba à l'école de cinéma, parce qu'il voyait le septième art comme un soutien important à la culture de la décolonisation. Filipa César, en montrant les films dans les lieux où ils ont été réalisés, vise un dialogue constant entre le passé et le présent, entre des images qui résonnent les unes avec les autres, en couleur et en noir et blanc, en muet et en sonore, en pellicule et en pixels, mais aussi des images abîmées, floues, ainsi que d'autres, contemporaines, en haute définition. Un indispensable projet de réparation et de remémoration, de sauvegarde et d'archivage de l'histoire de l'identité nationale, dans un pays qui est en train de la perdre…
Federico Rossin
Historien du cinéma, programmateur indépendant
