Résumé
On l’appelle la ville fantôme, « la seule île au monde, entourée de terre ». Entre chantiers inachevés et immeubles démesurés, aux murs couleurs ocres. Tout autour un paysage lunaire, et le vent ! Ici, c’est ailleurs-nulle-part, mais on joue, on nage, on s’embrouille, on se fait des tatouages, avec des gens de tous les âges. Est-ce un rêve ? Un trou perdu cauchemardesque ? Ou un merveilleux terrain de jeu ?
L'avis de Tënk
Est-ce que ça existe, un film de « crise » ? Il est difficile d’occulter une tendance du documentaire à se repaître de la douleur sous prétexte de la sonder. Julie Nguyen Van Qui, elle, opte avec une douce radicalité pour l’effet exactement inverse. Elle choisit d’observer des fantômes : ceux des villes-nouvelles espagnoles immédiatement envahies par les ombres du capitalisme. C’est le revers de la crise qui est présenté ici, sans effet spectaculaire. On explore, au sud de Madrid, au milieu du désert, une utopie architecturale née de l’imagination d’un magnat de l’immobilier. Balayée par la récession de 2008 qui eut pour conséquences l’arrêt du chantier, El Quiñon a malgré tout survécu. Ses habitants sont les dindons d’une farce économique gigantesque. Ce sont eux dont la réalisatrice regarde avec amitié la vie quotidienne, les discussions, les chansons, et en creux, les espoirs. Car, fort paradoxalement, sous ces séquences très construites et sans effets de manche, c’est à une affaire sensible que nous avons affaire ici. Il est donc permis de continuer à « rêver sous le capitalisme ».
Benoît Hické
Programmateur et enseignant