Markku Lehmuskallio, finlandais, est un homme des bois devenu cinéaste par amour de la forêt boréale. Il en dénonce l’exploitation outrancière dans des courts métrages aux formes expérimentales comme Tapiola (1974). Il continue à interroger la relation que l’homme entretient avec la nature dans des longs métrages inspirés par la vie et la culture des peuples Sami et Inuit : Skierri, la terre des bouleaux nains, (1982), Inuksuk (1988)... 

Quant le tournage d’un documentaire sur l’art des peuples arctiques le conduit en Sibérie chez les Nénètses, Markku rencontre Anastasia. Petite fille de chaman élevée dans la toundra, elle est devenue journaliste radio. Anastasia l’introduit dans la société nénètse tout en découvrant une nouvelle façon de raconter les histoires. C’est désormais ensemble qu’ils vont documenter la vie des nomades du Grand Nord avec des films dont la fulgurante beauté est habitée par le souffle des mythes immémoriaux : Tel un renne le long de la voûte céleste (1993), Paradis perdu (1994). 

Ils témoignent aussi de la douloureuse survivance d’une culture dans un système soviétique qui broie l’identité indigène : Anna (1997). Leur complicité s’affirme avec la réalisation commune des Sept chants de la toundra (2000), une fiction jouée par les Nénètses eux-mêmes dans leur langue et née de ce qu’Anastasia a connu dans sa famille, tout comme Neko, dernière de la lignée (2009).

Au-delà des gestes scrupuleusement sauvegardés sur la pellicule, Markku Lehmuskallio et Anastasia Lapsui sont soucieux de capter la sève poétique et spirituelle d’une culture. Pour les films Fata Morgana (2004) et Le Voyage perpétuel (2007), ils inventent des créations visuelles et sonores afin d’offrir une dimension universelle à l’imaginaire qui va avec un mode de vie en voie de disparition.

Cette œuvre, unique et précieuse, a récemment été restaurée par la Finnish Film Foundation et une dizaine de longs métrages sous-titrés en français sont maintenant visibles.

Pascal Privet, réalisateur