Cinema Komunisto

Cinema Komunisto

Mila Turajlić, 2010

Un film documentaire, ça peut être une rencontre. Ça peut être une histoire qui se joue devant la caméra au moment du tournage. Mais parfois, les cinéastes utilisent des images déjà existantes, des images d'archives, et les assemblent pour créer leur film et reconstituer une histoire, avec un grand ou un petit h.

 

 

Reconstruire une histoire 

 

Mila Turajlić est une cinéaste née en Yougoslavie. Son travail s'articule autour de la mémoire et de l'histoire de ce pays aujourd'hui disparu. Dans Cinema Komunisto, elle aborde la mythologie de la Yougoslavie construite par le cinéma, en prenant comme point de départ les studios de Belgrade, aujourd’hui abandonnés. Son projet originel était de reconstituer l'histoire de la Yougoslavie à partir de films de fiction. Mais la plupart de ces films se sont avérés introuvables. La cinéaste décide d'utiliser des extraits de fiction, des archives, et les témoignages de personnes qu'elle rencontre. Le projectionniste personnel de Tito, dirigeant de la Yougoslavie jusqu’en 1980, nous sert de guide à travers le film. En faisant dialoguer le présent et le passé, les images qu'elle tourne avec celles qu'elle trouve, Mila Turajlić interroge la manière dont le gouvernement socialiste de l'époque a utilisé le cinéma pour écrire le récit politique du pays, autant dans les histoires que le cinéma raconte que dans les moyens déployés pour en faire une industrie rivalisant avec Hollywood. 

 

Enquêter à partir des archives

 

L'archive peut être un objet qui devient le point de départ d'un travail archéologique. Lorsqu'il est enfant, Henri-François Imbert découvre chez ses grands-parents un album de cartes postales dans lequel figurent six cartes qui documentent la Retirada, un moment de l'histoire française bien mal connu, celui de l'exode des républicains espagnols suite à la victoire de Franco en 1939. À leur arrivée en France, ils ont été internés dans des camps, sur les plages et dans les terres du Sud-Ouest. Les cartes appartiennent à une collection incomplète. Le film No Pasarán, album souvenir raconte l'histoire de cette enquête à la recherche des images manquantes, et des traces, manquantes aussi, de cette histoire sur les lieux où les événements se sont produits. Les archives sont ici des objets vivants, qui sont à la fois la trace d’une mémoire, et une manière d’éclairer le présent.

 

Le film mémorial

 

D’autres cinéastes utilisent les images fixes comme matériau de leur film. Jean-Gabriel Périot est connu pour ses films de montage construits à partir d’images d’archives, qu’elles soient fixes comme dans 200 000 fantômes, ou animées comme dans Retour à Reims. Dans 200 000 fantômes, Jean-Gabriel Périot superpose des photographies du dôme de Genbaku, bâtiment connu pour être le seul à être resté entier suite au bombardement d’Hiroshima. Quelques photos précèdent le bombardement, puis s'enchaînent de 1945 à aujourd'hui. Le dôme est toujours au centre de l'image de Jean-Gabriel Périot, il est la trace visible de cet événement dans le paysage. Pour préserver cette composition, les photographies s'empilent, bougent et se décalent, à l'image du temps qui passe et de l'histoire qui se déroule, tout est en mouvement autour de ce monument figé dans le temps, volontairement non reconstruit. Le film, comme le dôme, devient un mémorial.
 

Détourner les archives

 

Les archives peuvent aussi être détournées. Les images ne servent plus pour ce qu'elles racontent, mais pour servir une autre histoire. Peter Snowdon puise dans les images disponibles sur Internet pour réaliser The Uprising. Ce film est intégralement constitué des vidéos disponibles en ligne et réalisées par les participants des révolutions arabes récentes. Cette forme s’appelle le found footage, « une pratique, qui consiste à réaliser un film en s’appropriant des éléments trouvés, dérobés, prélevés, détournés, non tournés par le cinéaste » (Yann Beauvais). Les archives sont utilisées pour la puissance de leurs images, et la force des soulèvements populaires qui les traversent. Le cinéaste nous prévient que la révolution du film est une révolution imaginée à partir de plusieurs révolutions réelles. The Uprising reconstitue sur une chronologie de sept jours le soulèvement, les manifestations, la destitution des tyrans, en décontextualisant les images, qui viennent d'Égypte, de Lybie, du Bahreïn, de Syrie, de leur histoire, comme si elles appartenaient toutes à un seul et même mouvement, celui de l'insurrection.

 

Les archives sont des images de seconde main. Des films de fiction, des cartes postales, des photographies officielles ou familiales, ou encore des vidéos militantes, peuvent être la matière d'un film. Le cinéma leur donne un nouvel écho, propose une nouvelle manière de les regarder, qui peut être critique, permettre de prendre de la distance, ou de mieux comprendre notre présent.

Cinema Komunisto

 

No Pasarán, album souvenir

 

 

200 000 fantômes

 

The Uprising

 

 


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