Résumé
Un jour j’ai été surprise par une image. Un détail. C’était un homme dans un chantier. Il était au bord du cadre, éloigné du centre de l’action. Le point n’était pas sur lui, on pouvait voir à travers son corps. Il semblait m’appeler. Mais je n’entendais pas sa voix. L’homme venait de loin. Jeté dans le ventre de la terre, il marchait en silence au milieu d’une construction qui gardait la trace de ses mains. Les yeux écarquillés, j’observais les ruines qui l’entouraient. Je voulais retrouver sa voix. La route témoigne encore du labeur de l’homme que je cherche, mais a enseveli sa voix. Qu’est-ce qu’il attendait de moi ? Peut être, simplement, que je le regarde.
L'avis de Tënk
À la faveur de photos découvertes dans les archives, Martina Magri enquête sur ces ouvriers qui ont contribué à la construction du périphérique. Travailleurs étrangers ou immigrés, qui sont-ils ? Que reste-t-il de ces hommes sinon ce qu’ils ont bâti de leurs mains, cette frontière entre centre et périphérie, s’excluant eux-mêmes peut être de la « forteresse » ? Nulle trace sinon ces images qui, comme elle, nous interrogent alors que le ruban noir défile à l’aube, aux derniers scintillements des éclairages urbains. Entre road-movie et film d’archives, d’une porte à l’autre, d’une piste à l’autre nous suivons leur trace, fragile et silencieuse, finalement invisible. La Tentation de la forteresse ou l’éloge des fantômes.
Le film a été réalisé dans le cadre de la résidence Horizon(s) coproduite par le GREC et le Musée de l’histoire de l’immigration.
Stéphanie Bartolo
Ancienne responsable des événements cinéma et littérature au Palais de la Porte Dorée